Non à l’asphysie financière de nos communes

Que ce soit au dernier congrès de l’association des maires de France ou plus récemment, des élus ont exprimé leurs inquiétudes concernant les réformes de la fiscalité locale mises en œuvre par Emmanuel Macron et son gouvernement.
La suppression de la taxe d’habitation en 2018 pour 80 % des ménages est présentée par le président de la République comme une mesure visant à redonner du pouvoir d’achat aux Français en supprimant de surcroît un impôt injuste. Le gouvernement s’est en outre engagé à compenser à l’euro près les pertes de taxe d’habitation dans le budget des communes.
Que faut-il en penser? Il est clair que la taxe d’habitation est un impôt injuste puisqu’il s’applique indifféremment à tous les ménages quel que soit le niveau de leurs ressources. Par ailleurs c’est souvent dans les communes ou les populations sont les plus pauvres que les taux de taxe d’habitation sont les plus élevés.
Cette réalité justifie-t-elle pour autant qu’après la suppression de la taxe professionnelle par Sarkozy en 2010, on supprime purement et simplement la taxe d’habitation aujourd’hui sans se poser la question de savoir comment on aurait pu la réformer ?
Il serait parfaitement possible d’aller à une fiscalité locale plus juste en introduisant une progressivité dans le montant de l’impôt en fonction des ressources des contribuables. Il serait également possible d’imaginer une péréquation entre communes pauvres et communes plus favorisées dans la répartition du produit de la fiscalité locale.
Il est évident que le gouvernement n’a souhaité examiner aucune de ces pistes. Son objectif, dans le cadre de sa politique générale de baisse des dépenses publiques, est d’obliger les communes à réduire leurs dépenses et par voie de conséquence les politiques sociales qu’elles conduisent.
Quel crédit accorder à l’engagement d’Emmanuel Macron de compenser les pertes fiscales de la taxe d’habitation? Les maires sont bien placés pour savoir qu’au fil des années les pertes de recettes de la taxe professionnelle n’ont pas été totalement compensées par l’état. De la même façon, s’agissant de la taxe d’habitation on peut craindre qu’un gel des compensations ne fasse perdre d’années en années du pouvoir d’achat aux communes.
Plus globalement on peut se demander comment le président de la République va s’y prendre pour compenser la perte de la taxe d’habitation alors qu’il a décidé de réduire en 5 ans de 50 milliards la dépense publique. Il le fera probablement en réduisant les crédits des services publics de l’état (santé, affaires sociales, éducation..) et en réduisant ses dotations et subventions aux communes et groupements de communes. Au final, ce sera moins de service public à tous les niveaux qu’il s’agisse des services de l’état ou de ceux des collectivités locales.
Il faut dire que la suppression de la taxe d’habitation après celle de la taxe professionnelle enlève tout pouvoir aux conseils municipaux pour décider, par le biais du vote des taux d’imposition, de leur politique fiscale et par voix de conséquence de leur politique sociale et de leur politique d’investissement, ce qui est contraire au principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales.
Tout cela s’ajoute aux dégradations déjà subies par les collectivités locales trompées par les banques dans le cadre des emprunts toxiques et pour lesquelles les charges de remboursement de dettes ne s’épongeront pas avant de nombreuses années.
Au final les communes et groupement de communes seront obligées de faire des économies forcées en réduisant leurs charges de personnel, en remettant en cause certaines subventions aux associations, en réduisant les aides d’urgence attribuées par les CCAS, en renonçant à des investissements prioritaires. Elles seront aussi contraintes de trouver des recettes propres en augmentant les tarifs des services publics qu’elles assurent : restaurants scolaires, centres de loisirs, écoles de musique, piscines, centres culturels.
On ne pourra même plus compter sur les relais associatifs pour suppléer le recul du service public d’état et du service public communal puisque le gouvernement a décidé de supprimer sur les trois prochaines années les emplois aidés qui constituent une part très importantes des emplois dans les associations. A titre d’exemple, la ligue française de l’enseignement a chiffré à 150 les emplois supprimés dans les associations qui lui sont liées.
Jusqu’à maintenant, les communes et les associations permettaient tant bien que mal, par les politiques sociales qu’elles menaient, d’amortir les effets de la crise. Avec la réforme de la fiscalité locale et la baisse des dotations aux communes ce sera de moins en moins possible demain. Il est donc absolument nécessaire que les citoyens se mobilisent avec les élus pour la défense de leurs communes. Cette mobilisation n’est pas évidente car les problèmes de finances communales sont complexes. La tentation est grande de s’en remettre aux élus pour gérer cette complexité. Aujourd’hui la pratique de la délégation de pouvoir n’est plus suffisante. Il va falloir que l’on se mêle un peu plus de la vie de nos communes et des risques mortels qui pèsent sur elles. Il va falloir expliquer, comprendre, débattre, proposer des alternatives aux politiques d’asphyxies des collectivités locales …en un mot faire de l’éducation citoyenne.
Dans cette perspective, Causes communes 56 propose d’organiser à l’échelle du Morbihan, au début du mois de mars, une table ronde qui pourrait rassembler des élus, des militants associatifs, des personnels communaux, des citoyens engagés afin pour débattre des moyens de nos communes, des résistances à organiser, des alternatives à trouver, des actions à construire. Celles et ceux d’entre vous qui souhaitent participer à cette construction citoyenne sont invités à laisser leurs coordonnées sur l’adresse mail suivante : contact@causescommunes56.org