Covid-19 : pendant et après, tout changer

La pandémie du coronavirus nous oblige. Dans l’urgence et dans le temps d’après.
Dans l’urgence, la société doit assurer la continuité des actions qui permettent de vivre, les soins, bien sûr, en première ligne, mais aussi l’alimentation et d’autres fonctions. C’est à l’Etat, le dispositif opérationnel de la République, d’organiser la continuité de ces services. Le débat sur sa compétence, ses erreurs et ses manques viendra bientôt.
Mais pour l’instant, la priorité absolue est de permettre à ceux qui travaillent à ces services d’agir dans les meilleures conditions, en prenant le moins de risques possible. Et de ce point de vue, le compte n’y est pas. Les facteurs, les livreurs, les salariés des plates-formes logistiques et des grandes surfaces travaillent souvent sans les éléments de protection indispensables. Les routiers trouvent porte close pour se restaurer et se laver.
Plutôt que de « challenger » les entreprises pour remettre les salariés d’entreprises non « stratégiques » au travail, la ministre du travail ferait mieux de garantir, à ceux qui doivent travailler, leurs conditions de travail. Idem pour le préfet du Morbihan qui dégainent plus vite pour préserver l’économie que pour garantir la sécurité des salariés obligés, des personnes seules ou en grande difficulté, dont les sans-abri.
L’Etat doit être clair dans sa communication et ses actes. Le président de la République n’est clair ni dans sa communication, ni dans ses actes. La valse-hésitation sur la mise en place du confinement en est la démonstration. Le capharnaüm médiatique permanent, à coups d’experts de toutes espèces, est davantage anxiogène qu’éclairant. Le défilé des ministres confinés dirige l’opinion publique vers les conséquences économiques d’une situation où seul l’intérêt général devrait prévaloir, sans le moindre contre-champ parlementaire. Le Parlement doit jouer son rôle et légiférer, en urgence certes, mais aussi en toute transparence.
Et puis derrière l’urgence sanitaire, il convient de collecter les éléments qui seront demain nécessaires au bilan de cette période. Il faudra mesurer les performances de l’Etat et des collectivités publiques. L’affaire de l’interview d’Agnès Buzyn au Monde ne fait qu’accroitre les demandes d’explication sur l’anticipation de l’épidémie et sur le dispositif sanitaire, après ces années de destruction de la santé publique.
Et demain. La société humaine ne peut s’accommoder d’une vie en sursis. Ce virus n’arrive pas isolé. D’autres pandémies auraient dû déjà nous alerter. Nous n’avons tiré aucune leçon du SRAS ou d’Ebola. D’autres suivront. Avec une capacité mortifère que nous n’envisageons pas. La plupart des spécialistes s’accordent pour dire que ce virus est pour beaucoup la conséquence de l’activité humaine.
La surconsommation et son lot de transports tout autour du monde, le tourisme à la sauce libérale –quelques jours aux antipodes à prix cassés-, les inégalités grandissantes et leurs cortèges d’exploitations inhumaines, la biodiversité massacrée. Les symptômes du capitalisme sont là, tandis qu’une toute petite minorité se gave sans vergogne.
C’est cette organisation de la vie humaine qu’il faut stopper. Et vite. Lorsque nous sortirons de cette période, les militants de la justice et de l’égalité, nous devrons faire vite pour bousculer les conventions et les imaginaires au label du capital, et engager un rapport de forces sans précédent pour tenter d’installer la société égalitaire dont les humains ont besoin. Et vite, car le capital et ses valets préparent déjà le coup d’après. L’occasion se présente, peut-être.
Pierre Chardon, Causes communes 56