Gabriel Colletis : « La mondialisation montre qu’elle est tout le contraire d’un processus heureux »

En cette période de confinement, nous avons sollicité le professeur d’économie à l’Université Toulouse Capitole 1, Gabriel Colletis. Longtemps conseiller auprès du Commissariat général au Plan, il a fondé il y a quelques années l’association du MAnifeste pour l’Industrie (MAI) pour justement remettre au cœur du débat public l’impératif industriel. Selon lui, cette crise sanitaire débouche à la fois sur une crise financière et économique mais également sur une crise politique. Elle dévoile, d’une part, les résultats des politiques d’austérité conduites en Europe depuis 2008, et d’autre part, le résultat du démantèlement progressif des outils de production stratégique – politiques avec lesquelles il nous faut définitivement rompre. Il entend proposer en sortie de crise que se tienne une grande conférence sur notre souveraineté industrielle. Entretien réalisé par Lauric Sophie et Nicolas Vrignaud.
LVSL – Vous critiquez depuis longtemps les effets dévastateurs de la désindustrialisation en France. Cette crise sanitaire vous donne plus que jamais raison au regard des difficultés d’approvisionnement de matériels indispensables à l’activité médicale et à la protection de leurs travailleurs, notamment. Mais cette désindustrialisation, dont tout le monde comprend désormais la gravité à la vue de notre affaiblissement manifeste, sera t-elle véritablement rattrapable ?
Gabriel Colletis –
La désindustrialisation est un processus long. En France, il date d’au
moins une quarantaine d’années. Il faudra sans doute un temps équivalent
pour fonder une autre industrie. C’est pourquoi il y a « Urgence
industrielle ! », comme je l’ai écrit il y a quelques années dans un
ouvrage intitulé ainsi.
Il faudra beaucoup de temps pour reconstruire un autre tissu productif, qui inclut l’agriculture. Cela se fera le long d’un processus qui s’accompagne d’une reconquête progressive de notre souveraineté industrielle. L’essentiel est de ne se tromper ni sur les finalités de l’industrie que nous souhaitons, ni sur les voies pour y parvenir.
Les finalités sont de concevoir une industrie qui réponde aux besoins fondamentaux : santé, bien sûr, mais aussi une alimentation saine, des logements décents, des moyens vestimentaires à base de fibres naturelles, des mobilités maîtrisées. Ces besoins doivent être satisfaits dans le respect de la nature, au regard de la nécessaire transition écologique qui est notre horizon à tous.