Christiane Taubira : “L’économie ne peut pas être un absolu, une divinité, un veau d’or”

Christiane Taubira, ancienne garde des Sceaux, est l’invitée du grand entretien de Nicolas Demorand et Léa Salamé à 8h20.
Pour Christiane Taubira, “il y a des vertus éthiques au confinement, à titre personnel et collectif” : “Ce qui me paraît important, c’est d’avoir conscience des autres, d’avoir constamment à l’esprit qu’il y a d’autres qui subissent les mêmes contraintes, les mêmes interdits, les mêmes renoncements, dans des conditions différentes et très inégalitaires. Ce qu’il y a de puissant dans ce moment, c’est la présence des autres : surtout quand elle n’est pas là physiquement, elle est là.”
“Ce qui fait tenir la société, c’est d’abord une bande de femmes”
Que pense-t-elle du vocabulaire très guerrier d’Emmanuel Macron depuis le début de cette crise ? “Je n’ai pas envie de sombrer dans la facilité en disant que le président s’est trompé de registre. Il a probablement intentionnellement voulu bousculer les consciences et les comportements. Je pense sincèrement que des femmes dans des positions d’autorité ou de pouvoir auraient abordé les choses différemment. Plutôt que d’avoir recours à ce corpus viril, martial, elles auraient vu plus facilement que ce qui fait tenir la société, c’est d’abord une bande de femmes : elles sont majoritaires dans les équipes soignantes, même si nous soignons aussi avec autant de gratitude les hommes ; elles sont majoritaires aux caisses des supermarchés, dans les équipes qui nettoient les établissements qui travaillent encore… Tout ce qui tient la société, qui nous permet d’inscrire une temporalité dans nos têtes, de nous projeter, ce sont les femmes qui le font. Depuis longtemps, ce sont les femmes qui portent les métiers de soin en général.”
Pour elle qui a connu des périodes similaires, est-ce que ça change quelqu’un de prendre des décisions dans ces conditions ? “Il faut consentir à changer, accepter d’être habité à la fois par le doute, l’incertitude, l’idée de la responsabilité. Il faut accepter de ne pas être infaillible et d’être dévoué complètement aux autres. C’est une responsabilité extrêmement lourde et dans ces circonstances on se rend compte de la nature du pouvoir : le pouvoir est exorbitant, abusif par nature, puisqu’il vous conduit à prendre des décisions dont les conséquences vont peser sur la vie des autres. Comment je rassemble mes connaissances, mon savoir, au mieux pour prendre la meilleure décision pour les autres ?”…
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