Thomas Porcher : “La chose la plus honnête que pourrait faire Macron est de démissionner”

ébut mars, quand nous rencontrions Thomas Porcher pour un entretien croisé avec Vikash Dhorasoo, il nous faisait déjà part de ses inquiétudes vis-à-vis de l’épidémie de coronavirus. La suite a prouvé qu’il avait raison. Dans cet entretien, l’économiste membre des Economistes Atterrés, auteur du Traité d’économie hérétique (Seuil, 2018) et d’un récent essai sur la possible réunion d’une force majoritaire derrière un programme de rupture avec le libéralisme, Les Délaissés (Fayard, 2020), dénonce les conséquences de l’idéologie néolibérale. Pour lui, “il va falloir préparer l’après, parce qu’il y a des responsables, et ils devront s’expliquer.”
Vous faites partie de ceux qui ont très vite pris au sérieux le grave danger sanitaire que l’épidémie de coronavirus faisait peser sur nous. Comment expliquez-vous que nous nous soyons senti·es aussi protégé·es, jusqu’à ce que brutalement le confinement soit décrété ?
Thomas Porcher – Je pense qu’au départ les informations provenant du gouvernement et de certain·es expert·es étaient contradictoires. On nous a parlé de grippe, on nous a rassuré·es sur la capacité de notre hôpital à encaisser la pandémie, le Président est allé au théâtre avec sa femme pour inciter les Français·es à sortir pendant le coronavirus, Brigitte Macron a fait une promenade sur les quais, etc. Tous ces éléments préparaient plutôt les esprits à la poursuite d’une vie normale. Or, il suffisait de regarder l’évolution des contaminations qui étaient annoncées chaque jour pour se rendre compte qu’elles augmentaient de manière exponentielle. Puis je savais que l’hôpital avait subi des coupes, que j’avais dénoncées régulièrement en apportant mon soutien aux personnels soignants.
En comparant l’évolution des contaminations en France et en Italie, et les mesures d’austérité appliquées aux deux pays, je ne voyais pas comment on ne pouvait pas se diriger vers un scénario à l’italienne en France. J’ai eu beaucoup de débats télévisés une semaine avant le confinement, j’annonçais que nous étions face à une triple crise – sanitaire, économique et social –, qu’il aurait fallu confiner plus tôt pour atteindre le fameux plateau de contamination. A l’époque, tout le monde trouvait que mon point de vue était trop radical.