La Technopolice, moteur de la « sécurité globale »

21. novembre 2020 Arguments 0
La Technopolice, moteur de la « sécurité globale »

L’article 24 de la loi Sécurité Globale ne doit pas devenir l’arbre qui cache la forêt d’une politique de fond, au cœur de ce texte, visant à faire passer la surveillance et le contrôle de la population par la police à une nouvelle ère technologique.

Quelques jours avant le vote de la loi Sécurité Globale à l’Assemblée Nationale, le ministère de l’Intérieur présentait son Livre blanc. Ce long rapport de prospective révèle la feuille de route du ministère de l’Intérieur pour les années à venir. Comme l’explique Gérard Darmanin devant les députés, la proposition de loi Sécurité Globale n’est que le début de la transposition du Livre dans la législation. Car cette loi, au-delà de l’interdiction de diffusion d’images de la police (article 24), vise surtout à renforcer considérablement les pouvoirs de surveillance des forces de l’ordre, notamment à travers la légalisation des drones (article 22), la diffusion en direct des caméras piétons au centre d’opération (article 21), les nouvelles prérogatives de la police municipale (article 20), la vidéosurveillance dans les hall d’immeubles (article 20bis). Cette loi sera la première pierre d’un vaste chantier qui s’étalera sur plusieurs années.

Toujours plus de pouvoirs pour la police

Le Livre blanc du ministère de l’Intérieur envisage d’accroître, à tous les niveaux, les pouvoirs des différentes forces de sécurité (la Police nationale, la police municipale, la gendarmerie et les agents de sécurité privée) : ce qu’ils appellent, dans la novlangue officielle, le « continuum de la sécurité intérieure ». Souhaitant « renforcer la police et la rendre plus efficace », le livre blanc se concentre sur quatre angles principaux :

  • Il ambitionne de (re)créer une confiance de la population en ses forces de sécurité, notamment par une communication renforcée, pour « contribuer à [leur] légitimité », par un embrigadement de la jeunesse – le Service National Universel, ou encore par la création de « journées de cohésion nationale » (page 61). Dans la loi Sécurité Globale, cette volonté s’est déjà illustrée par la possibilité pour les policiers de participer à la « guerre de l’image » en publiant les vidéos prises à l’aide de leurs caméras portatives (article 21).
  • Il prévoit d’augmenter les compétences des maires en terme de sécurité, notamment par un élargissement des compétences de la police municipale : un accès simplifié aux fichiers de police, de nouvelles compétences en terme de lutte contre les incivilités … (page 135). Cette partie-là est déjà en partie présente dans la loi Sécurité Globale (article 20).
  • Il pousse à une professionnalisation de la sécurité privée qui deviendrait ainsi les petites mains de la police, en vu notamment des Jeux olympiques Paris 2024, où le besoin en sécurité privée s’annonce colossal. Et cela passe par l’augmentation de ses compétences : extension de leur armement, possibilité d’intervention sur la voie publique, pouvoir de visionner les caméras, et même le port d’un uniforme spécifique (page 145).
  • Enfin, le dernier grand axe de ce livre concerne l’intégration de nouvelles technologies dans l’arsenal policier. Le titre de cette partie est évocateur, il s’agit de « porter le Ministère de l’Intérieur à la frontière technologique » (la notion de frontière évoque la conquête de l’Ouest aux États-Unis, où il fallait coloniser les terres et les premières nations — la reprise de ce vocable relève d’une esthétique coloniale et viriliste).

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