Les Coups d’Etau permanents, par Quentin Hardy

22. décembre 2020 Arguments 0
Les Coups d’Etau permanents, par Quentin Hardy

Que nous arrive-t-il politiquement ? Un vent mauvais souffle et les jours heureux ne reviennent pas. A l’horizon, les promesses d’auto-gouvernement, d’un quotidien qui s’améliore, de l’émancipation des dominations, de la jouissance du présent s’estompent dans le brouillard. Après le temps de l’indignation, de la colère, voici celui de la peur. Mais inévitablement reviendra le temps de la colère politique.

Trois faits significatifs se sont produits récemment dans trois pays d’Europe de l’Est. La Pologne a voté en urgence une loi punissant de 3 ans et 5 000 € d’amende l’occupation des universités, tout en attaquant durement les libertés académiques. Le pouvoir policier en Biélorussie réprime férocement une révolte extrêmement populaire dans le pays : en quatre mois, 24 éborgnés, 5 mains arrachées et 2 500 blessés. En Ukraine, un double attentat islamiste a profondément ébranlé le pays ; le choc dans l’opinion a été suivi d’une offensive médiatique et gouvernementale sans précédent ouvrant la voie à des mesures fascisantes. Dans ces trois pays, trois décennies de néolibéralisme ont amplifié les inégalités et brutalisé la société.

Où va cette partie du continent, à force d’approfondissements autoritaires et de mesures d’exception ? L’avalanche de lois liberticides, de blancs-seings donnés à la police et la circulation accélérée de discours martiaux produisent une nouvelle normalité politique. Comment qualifier cet état social et ce régime d’existence qu’on ne sait pas encore nommer, si ce n’est par celui de libéralisme autoritaire1 – terme qui peut paraitre à son tour impuissant pour rendre compte de la spécificité de l’actuelle séquence politique ? L’honnête observateur doit admettre cette évidence : avec ce nouveau raidissement, ces pays s’éloignent chaque jour davantage de l’Etat de droit que connaît l’Europe de l’Ouest et s’enfoncent sans doute dans des sociétés préfascistes.

En réalité, ces trois situations se trouvent concentrées au sein d’un autre pays, à la forme hexagonale et à la devise républicaine liberté-égalité-fraternité. Les faits rapportés ont tous eu lieu dans un passé proche sur notre sol républicain2 .

On sait depuis Montesquieu et ses Lettres persanes (1721) que ce qui trompe le plus notre jugement politique est la fausse familiarité avec notre condition et l’habitude qui affadie tout. En mettant en scène un voyageur étranger à Paris pour décrire la société française du XVIIIe siècle, le philosophe livre un regard éloigné porteur de vérités politiques. En rendant exotique l’ordinaire, il réussit une attaque subtile contre le système monarchique en dénonçant notamment la concentration des trois pouvoirs (législatif, exécutif, judiciaire) en la personne du roi.

Pour lire la suite, c’est ici


Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.