Bolsonaro, une menace pour l’Amazonie
par Ulysse Noyola Rodriguez, traduit par Marie-France Fovet
ALAI AMLATINA, le 13/11/2018.-La région de l’Amazonie est menacée par les activités des entreprises du négoce agricole après le triomphe électoral de Jair Bolsonaro. Le futur président a désigné Tereza Cristina, leader du Front Parlementaire de l’élevage intensif, comme ministre d’Agriculture. Ce groupe parlementaire, appuyé par les entreprises du négoce agricole, a impulsé quelques initiatives lors du Congrès. Parmi celles-ci se trouvent l’usage de toxiques agricoles, la culture de transgéniques et l’exploitation des ressources naturelles des zones protégées de l’Amazonie. Comme le territoire brésilien détient la plus grande partie de l’Amazonie, Bolsonaro menacera la préservation de la biodiversité et des communautés indigènes.
La région a une énorme importance pour diverses raisons : elle possède une grande diversité de ressources naturelles (de l’eau, des minerais, du pétrole, du bois, entre autres); elle allège les effets du changement climatique à travers l’absorption d’émissions de carbone; bref, elle représente un espace vital pour les communautés indigènes. Pour ces raisons, la forêt amazonienne est un espace géographique qui a besoin d’être préservé pour la survie de l’espèce humaine. Au cas où il mettrait en oeuvre l’exploitation des richesses naturelles de l’Amazone, le gouvernement de Bolsonaro ferait face à une forte opposition.
Actuellement le gouvernement brésilien protège la région amazonienne au moyen de la création de parcs nationaux, de bois protégés, de courses écologiques, entre d’autres. Dans cette situation, les aires protégées reçoivent un financement du gouvernement pour la construction de bâtiments publics et la prestation de services réservés à la préservation des communautés et des écosystèmes. Cependant, le bétail et la culture de soja sur de grandes étendues de terre ont contribué à sa déforestation. Le gouvernement de Bolsonaro aura à faire beaucoup de modifications dans la loi pour exploiter les richesses naturelles localisées dans des aires protégées, puisque dans la Constitution il est stipulé que les aires protégées peuvent seulement être modifiées par l’approbation d’une loi.
Bien qu’ayant obtenu un large avantage sur Haddad, Bolsonaro a obtenu seulement 52 sièges sur 520 au Congrès; par conséquent, il aura à négocier avec d’autres partis pour pouvoir exploiter les ressources de l’Amazonie. Les congressistes du Parti Social Libéral pensent s’appuyer sur les partis de divers groupes politiques (le parti catholique, celui de l’armement et celui de l’agro-négoce). Ainsi ces initiatives seront appuyées par les secteurs les plus conservateurs de la société brésilienne, qui essaieront sans aucune doute de créer un climat de peur pour obtenir l’aval de la société vers les réformes. Si les partis de gauche ne font pas un travail de base avec la population, le conservatisme se renforcera dans la société, en fortifiant la xénophobie, la discrimination et l’intolérance.
La polarisation sociale affectera les communautés indigènes de l’Amazonie qui subissent constamment la discrimination de la classe moyenne. Abandonnées par l’État brésilien, les communautés indigènes souffrent d’analphabétisme, de malnutrition et d’insécurité, parmi d’autres problèmes. Pour résoudre cette misère, le gouvernement brésilien devrait renforcer les dépenses sociales au moyen de la créationde services de base, en plus de garantir la protection de la terre. Sans protection de ses terres ancestrales, les indigènes ne réussissent pas à survivre puisque leur forme de vie est intimement liée à la nature.
Par ailleurs, en détruisant les écosystèmes de l’Amazonie, les activités de l’agro-négoce continueront d’augmenter les émissions de carbone. En ce qui concerne les émissions de carbone, le Brésil s’est maintenu à la septième place à l’échelle globale puisque le gouvernement a failli à ses engagements dans l’Accord Climatique de Paris. Dans l’accord, le gouvernement s’est engagé à diminuer la déforestation et à augmenter le nombre d’aires protégées. Sous le gouvernement de Bolsonaro, le changement climatique s’aggravera à cause des activités qui portent atteinte à l’environnement comme la monoculture de soja, le travail des mines à ciel ouvert et l’installation de grands barrages électriques en Amazonie.
De plus, la réponse des organisations internationales face à la politique de Bolsonaro ne serait pas aussi forte qu’on pourrait l’espérer. Pour combattre le changement climatique, les mandataires de certains pays ont souscrit à l’Accord Climatique de Paris où ils se sont engagés à réduire l’émission de dioxyde de carbone. Mais l’accord est resté lettre morte, puisqu’il n’oblige pas les gouvernements à appliquer des régulations strictes imposant des sanctions en cas d’inaccomplissement. Dans ce contexte, le gouvernement de Bolsonaro laisserait la porte ouverte aux entreprises transnationales pour exploiter les richesses naturelles de l’Amazonie.
Non moins important est le fait que la survie des communautés indigènes est en péril, puisqu’elles représentent à peine 0.4 % de la population totale. Bolsonaro a déclaré, pendant sa campagne électorale, qu’il n’allait pas leur donner un centimètre carré de terre de plus. Il faut rappeler que les communautés indigènes ont été continuellement exterminées tout au long de l’histoire du Brésil. Depuis l’époque coloniale, les communautés ont été soumises à l’esclavage prolongé du Portugal et jusqu’à nos jours elles sont poursuivies pour s’opposer aux activités extractivistes. La résistance des communautés augmentera maintenant avec le gouvernement de Bolsonaro, qui n’hésitera pas à intensifier la militarisation de la région amazonienne.
Déjà l’Amazonie a été l’objet d’une forte présence des Forces Armées du Brésil pour des problèmes de trafic de stupéfiants, traites de personnes et violence à laquelle pousse la pauvreté extrême. Actuellement, le Commando Militaire de l’Amazonie réalise d’une manière régulière des interventions (Curaretinga, Curare et Relâmpago, entre autres) à la frontière nord du Brésil afin de faire face au crime organisé, en accord avec le gouvernement brésilien. S’étant continuellement entraînées dans la forêt amazonienne, les Forces Armées connaissent à fond le territoire, les communautés indigènes et les conditions climatiques. Grâce à cela, l’armée a réussi à enrayer la résistance des communautés indigènes et à les expulser de ses territoires. Avec Bolsonaro, les opérations militaires augmenteront pour dépouiller les communautés
Le triomphe de Jair Bolsonaro constitue un recul pour l’Amérique latine. Celui de Bolsonaro sera un gouvernement qui facilitera la destruction de la nature, le dépouillement des terres des communautés indigènes et la criminalisation de la protestation sociale. Il sera nécessaire que la population brésilienne soit mobilisée pour freiner les réformes que le Parti Social Libéral se propose de mettre en avant. Dans le cas contraire les Brésiliens verront comment les richesses naturelles de l’Amazonie sont privatisées.
– Ulises Noyola Rodríguez es Colaborateur du Centre d’ Investigacion sur la Globalisation.