Le policier et l’assistante sociale
Par Michel Tosi
Un policier est tué par balle, un de plus, un de trop.
Tué dans l’exercice de ses fonctions, tué pour l’exercice de ses fonctions.
Émotions unanimes, réactions de tous bords et Président, ministres et sous-ministres en profitent une fois de plus pour modifier des lois – qui existent déjà – et tenter de calmer des syndicats policiers qui appellent à de grandes manifestations « citoyennes ».
Aucun policier qui s’engage dans ce métier, dans cette mission, qui fût celle de gardiens de la paix, imagine qu’il doit mourir au travail. Certes, mais de là à penser que ce risque puisse ne pas exister est faire offense à leur intelligence (sinon pourquoi posséder une arme ?)
Grave, inadmissible, ce décès est un accident du travail. Comme 550 autres salariés en 2018, dernier chiffre connu (plus 3 % par an).
Ce policier est mort au travail.
Président et ministres lui ont rendu hommage. Il a reçu la légion d’honneur à titre posthume et un hommage national par le Premier ministre.
On peut considérer comme légitime cet hommage à un serviteur de la cause de la sécurité publique. On peut aussi se demander à qui profite une hyper-médiatisation d’un crime de policier à chaque fois répété et mis en scène de la même façon.
Dans le même temps ou presque, dans la même France, une assistante sociale était, elle aussi, tuée par balle dans l’exercice de ses fonctions, pour l’exercice de ses fonctions.
Et là rien.
Tout juste un traitement de faits divers dans des médias soudains pas très choqués et des ministres et Président à l’émotion décidément bien sélective. Elle ne fait pas honneur à la France ; elle ne mérite pas les 20 heures pendant une semaine et encore moins un hommage national.
C’est un « banal » accident du travail traité comme un accident de voiture ou presque. Quand a la légion d’honneur nous savons depuis longtemps que c’est comme pour les budgets : les grands oubliés sont les services sanitaires et sociaux. Vous savez : les mêmes qui sont couverts de louanges quand on a besoin d’eux.
Ils, elles, sont plus de 550 à mourir au travail, à gagner leur vie à en mourir dans une indifférence quasi générale. C’est tellement vrai que, dans ce grand pays, nous ne pouvons disposer de chiffres très précis en la matière.
Nous sommes abreuvés quotidiennement de chiffres liés au Covid, mais savons-nous combien d’accidents du travail, mortels ou non, sont lié à la pandémie ? Nous avions évoqué ici la non-reconnaissance comme accidents et maladie du travail des soignants et autres premières lignes.
Le législateur, avec ses députés godillots, a tardivement légiféré. Beaucoup moins vite que pour l’état d’urgence. Et qui sait, par exemple, que pour être déclaré en accident du travail, il faut avoir été en réanimation.
Belle humanité. Jusqu’à quand continuerons-nous de tolérer ces mépris d’État ? Là aussi il y a urgence.